samedi 15 novembre 2008

Le chant silencieux pendant le sommeil

Le chant silencieux pendant le sommeil aide les oiseaux à apprendre leur chant.



Dans une étude qui suggère que le sommeil joue un rôle central dans le processus d’apprentissage, des chercheurs de l’Université de Chicago ont montré que durant leur sommeil les oiseaux de chant rejouent, répètent et peut-être renforcent les modèles d’activité neuronale impliqués dans la production de chant. Que faut-il comprendre ? L’acquisition du chant est montrée comme un système de modèles de la même façon que l’enfant apprend le discours. Les jeunes oiseaux apprennent à chanter en écoutant des adultes et ensuite ils améliorent la pratique en écoutant leurs propres tentatives. Dans un article de la revue « Science » d’octobre 2000, ces chercheurs décrivaient comment les neurones impliqués dans le processus générateur du chant recréaient précisément pendant le sommeil de l’oiseau les activités complexes utilisées lors du chant quoiqu’aucun son ne soit émis. "À partir de nos données, nous soupçonnons les oiseaux de chant de chanter dans leurs rêves." a dit Daniel Margoliash, professeur dans le département de biologie cellulaire et d’anatomie de l’Université de Chicago, et investigateur principal dans cette étude. « L’oiseau semble stocker le modèle de renvoi neuronal utilisé lors de l’émission du chant le jour, et le ‘lit’ à haute voix la nuit sans l’émission finale du son. On sait qu’il y a répétition cérébrale du chant et, peut-être, des variations d’improvisation. » (d.Margoliash) Lors du sommeil, le cerveau est désensibilisé aux stimulis extérieurs en partie grâce aux changements de concentration d’une hormone spécifique ayant un rôle analgésique. Cependant au cours du sommeil paradoxal (phase du sommeil comprenant les rêves), l’activité cérébrale se montre plus prolifique qu’en état de veille. Rappelons que le sommeil chez tous les animaux (comprenant l’homme) se divise en 2 phases : le sommeil lent majoritaire et le sommeil paradoxal, qui passent en boucle tout au long de la nuit. 1/ Le sommeil paradoxal est un état de paralysie et d’isolement sensoriel avec une vulnérabilité totale vis à vis d’un éventuel prédateur. Il consomme sans raison physiologique beaucoup d’énergie. Les régulations de la respiration, du cœur, de la circulation et des fonctions neurovégétatives sont bouleversées. Le cerveau utilise beaucoup de glucose et d’oxygène, et son métabolisme devient en partie anaréobie. Il se fatigue comme un muscle à l’effort. L’activité motrice est bloquée, et seuls de petits mouvements aux extrémités sont visibles. Cependant l’activité cérébrale est très intense avec des mouvements occulaires présents. 2/ Le sommeil lent en revanche voit un ralentissement de l’activité cérébrale. La miniaturisation récente des moyens d’enregistrement neuronaux adaptés par l’équipe de chercheurs a permis d’améliorer l’étude de l’activité de groupes de cellules cérébrales précises chez des oiseaux qui étaient relativement libres de se déplacer et de se comporter naturellement. « L’enregistrement de neurones précis nous donne un outil puissant pour l’étude de l’importance du sommeil dans l’apprentissage. » (d.Margoliash) Les recherches sont parties sur l’enregistrement vocal et cérébral d’un mâle lors d’un chant pour attirer une femelle. L’activité précise des zones cérébrales impliquées ont aussi été bien notées. Les chercheurs ont pu les comparer à l’activité du même oiseau selon qu’il écoutait ou non l’enregistrement, et selon qu’il était ou non en phase de sommeil paradoxal. L’oiseau éveillé ne réagit pas à son enregistrement. Par contre endormi, il reproduit à l’identique le parcours cérébral sans émission de son. « La chanson apprise est un code temporel qui emploie les pointes d’impulsion de cellules nerveuses dans des modèles correspondant précisément pour l’audition et pour le chant. Les deux modèles peuvent être alignés ‘à plat’ avec une précision de ‘pointe à pointe’. » décrit toujours d.Margoliash. « L’oiseau emploie le son précédent pour prévoir comment produire la syllabe suivante. » Comprendre comment les modèles de comportement sont représentés dans le cerveau a été un problème majeur pour les neurobiologistes. « Précédemment nous avons constaté que lors du chant, le son émis est représenté comme un code temporel. Maintenant, à notre grande surprise, nous trouvons cette correspondance dans les cellules affiliées du mode sensoriel et moteur. La formation de cette configuration de son et d’action définit le processus d’apprentissage. » « Nos résultats manifestent que ces neurones rejouent l’activité complexe pendant le sommeil qu’ils ont produite pendant la journée. Ce stockage et cette répétition intérieure pourraient aider les oiseaux adultes à entretenir les copies précises de leurs chansons et aider les jeunes oiseaux à apprendre à chanter. » Pendant la phase de sommeil paradoxal, les chercheurs ont découvert que les neurones renvoient spontanément les mêmes modèles de production de chant complexes. Mais de façon plus intéressante, ces modèles d’activité cérébrales pouvaient être en désaccord léger comme si l’oiseau répétait une légère variante de son chant avec parfois des tempos plus lents ou plus rapides. Comment l’oiseau apprend-il à corriger son chant quand au moment où il le produit son cerveau est déjà engagé dans la production du son suivant ? La pratique pendant le sommeil peut faire partie de la réponse. « Par contraste avec l’idée dominante qu’il apprend en faisant des rajustements de dans la foulée, nous pensons que l’oiseau stocke la production de chant ‘modèle’ et le lit à haute voix la nuit. Une sorte de ‘mode autonome’. C’est une solution au problème de chronométrage de l’oiseau. L’oiseau peut rejouer et renforcer le modèle pendant son sommeil. » La démarche suivante, selon Daniel Margoliash, devra explorer ce qui arrive au chant appris quand le sommeil accompagné de l’activité cérébrale de chant est interrompu. « Si nous pouvons décrire les règles par lesquelles le sommeil agit sur l’étude du chant, ces leçons pourront s’appliquer à l’étude chez d’autres espèces et chez l’homme. Les belles chansons d’oiseaux pourraient avoir un grand intérêt en nous montrant comment nous apprenons nous-mêmes. ». Si le professeur Daniel Margoliash s’intéresse à son application future sur l’homme, ses recherches nous permettent de modifier et de réajuster certaines conceptions de l’apprentissage. La nuit porterait-elle aussi de bons conseils à nos oiseaux ?